Dans La lenteur, de Milan Kundera, la voix reste une découverte, elle devient la part majeure de la séduction sous toutes ses formes. Elle est charismatique et captivante en public. Elle est pleine de charme quand elle résonne à l’oreille de l’autre et révèle aussi ce qu’on veut y voir dans l’intimité.
Extrait 1 :
« Et Vincent, tristement, se rappelle sa vieille idée : on pense toujours que les chances d’un homme sont plus ou moins déterminées par son apparence, par la beauté ou la laideur de son visage, par sa taille, par ses cheveux ou par leur absence. Erreur. C’est la voix qui décide de tout. Et celle de Vincent est faible et trop aigue ; quand il commence à parler personne ne s’en aperçoit, de sorte qu’il est obligé de forcer et alors tout le monde a l’impression qu’il crie. Pontevin, par contre, parle tout à fait doucement, et sa voix basse résonne, agréable, belle, puissante, si bien que tout le monde n’écoute que lui. »
Extrait 2 :
« Vincent se sent bien avec elle, il n’est pas obligé de hausser la voix, au contraire, il la baisse pour que les autres ne les entendent pas. Puis il l’entraine vers une petite table où ils peuvent s’assoir l’un contre l’autre et pose sa main sur la sienne.
« Tu sais, dit-il, tout dépend de la force de la voix. C’est plus important que d’avoir un joli visage.
- Ta voix est belle.
- Tu trouves ?
- Oui, je trouve.
- Mais faible.
- C’est ce qui est agréable. Moi, j’ai une voix moche, grinçante, croassante, comme une vieille corneille, tu ne penses pas ?
- Non, dit Vincent avec une certaine tendresse, j’aime ta voix, elle est provocante, irrespectueuse.
- Tu le penses ?
- Ta voix est comme toi ! dit Vincent affectueusement, toi aussi tu es irrespectueuse et provocante ! »